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Déchets radioactifs : de l’origine à la destination finale

Des partenaires de recherche expérimentés, le SCK CEN et l’ONDRAF, combinent recherche fondamentale et recherche appliqué

Comment assurer un stockage sûr des déchets radioactif ? Et cela, à long terme ? Depuis des décennies déjà, le centre de recherche nucléaire SCK CEN étudie cette question pour le compte du gestionnaire belge des déchets radioactifs l’ONDRAF. Pour parvenir à des solutions encore meilleures, les deux agences ont rassemblé leurs programmes de recherche dans le cadre d’un partenariat public-public. Cette structure juridique permet de mettre en commun des connaissances et des compétences spécifiques.

SCK CEN - Jaarverslag Highlights (2022)

« Les déchets radioactifs recouvrent un large concept. Les déchets proviennent de la production d’électricité, mais aussi de la médecine nucléaire, de l’agriculture et de l’industrie. Le concept englobe donc plusieurs types de déchets, subdivisés en fonction du niveau d’activité ou de la durée de vie. Chaque type de déchet nécessite une voie de gestion différente jusques et y compris le stockage », explique Christophe Bruggeman, expert au SCK CEN. Les déchets hautement radioactifs et/ou de longue durée de vie sont un type de déchet. Pour ce type de déchet, le stockage géologique comme solution de gestion est envisagé depuis un certain temps déjà. Dans les années 1970 - au tout début de l’ère de l’énergie nucléaire en Belgique - le centre de recherche nucléaire a commencé à explorer cette piste. « Au début, nous avons effectué des tests en laboratoire, mais nous avons rapidement ressenti le besoin de disposer d’un laboratoire souterrain pour tester le stockage géologique en conditions réelles. L’objectif était de démontrer sa sûreté et sa faisabilité à une échelle représentative », explique-t-il. En 1980, le SCK CEN a commencé à creuser ce laboratoire souterrain, appelé HADES. Le laboratoire souterrain HADES est désormais géré par le GIE EURIDICE, un groupement d’intérêt économique entre le SCK CEN et l’ONDRAF, le gestionnaire belge des déchets radioactifs.

Ce lien a permis aux deux partenaires d’expérimenter la valeur ajoutée de leur collaboration. En réunissant des compétences complémentaires sous une même bannière, ils ont pu établir un lien entre la profondeur scientifique et les solutions de gestion proposées. Cette expérience leur a donné envie d’intensifier cette collaboration. Ils ont récemment signé un nouveau partenariat public-public. Par cette signature, ils ont fait la promesse écrite d’étendre le partenariat existant à tous les aspects de la recherche sur la gestion des déchets radioactifs à court, moyen et long terme. « En fait, deux acteurs expérimentés et hautement spécialisés unissent leurs forces et élargissent le champ d’action à l’ensemble de la chaîne de gestion. Cela garantit un bon échange de connaissances et de compétences, ce qui nous permet d’accélérer ou de réaliser les solutions de gestion nécessaires », se réjouit Christophe Bruggeman.

Toutes les connaissances que nous accumulons grâce à cette coopération renouvelée conduisent à des solutions toujours meilleures pour les déchets radioactifs.
Christophe Bruggeman

Large éventail de connaissances

Le partenariat public-public couvre un large éventail de domaines de connaissances. « Par exemple, nous étudions le comportement des barrières naturelles et ouvragées. Comment ces barrières contribuent-elles à retenir la radioactivité ? Comment les déchets affectent-ils les propriétés de ces barrières ? Par exemple, quel est l’effet des déchets émettant de la chaleur ? Comment la couche d’argile empêche-t-elle la propagation des radionucléides lorsque les barrières ouvragées se dégradent ? En outre, nous accordons une attention particulière à la mise à jour de notre laboratoire souterrain HADES, ainsi qu’à l’acquisition, au traitement et à la validation à long terme des données de mesure. La recherche est déjà bien avancée, mais elle prend une nouvelle dimension grâce à l’imbrication de tous ces aspects », explique en détail Christophe Bruggeman.

Selon l’expert, cette coopération renouvelée garantit que les dernières connaissances scientifiques et innovations technologiques continueront d’être prises en compte dans le développement et la mise en oeuvre des différentes solutions de gestion. Cela conduit à des solutions toujours meilleures pour les déchets radioactifs. Et ces meilleures solutions sont toujours opportunes. Car, en effet, un des plus grands chantiers de démantèlement se trouve à notre porte. Avec la loi de 2003 sur la sortie du nucléaire, le gouvernement fédéral a décidé de fermer progressivement les centrales nucléaires belges. Après la fermeture, les centrales nucléaires doivent être démantelées. « L’expérience nous a appris que nous pouvons réutiliser 98 % des matériaux, mais les 2 % restants sont des déchets radioactifs. Ces déchets méritent une gestion spécifique et adaptée », déclare Christophe Bruggeman.

SCK CEN - Jaarverslag Highlights (2022)

HADES : une expérience de plusieurs de dizaines d’années à mi-parcours

Les expériences de stockage prennent du temps. « Nous devons être en mesure de garantir la sûreté du stockage géologique à très long terme. Nous étudions des processus très lents : c’est pourquoi les expériences peuvent prendre même plusieurs décennies », explique Christophe Bruggeman. L’expérience « PRACLAY Heater » en est un exemple. Cet essai à grande échelle doit permettre d’étudier l’impact de la chaleur sur une couche d’argile profonde. Dans une installation de stockage réelle, les déchets hautement radioactifs dégageront de la chaleur pendant des centaines, voire des milliers d’années. Avec des éléments chauffants, les chercheurs imitent cette émission de chaleur. Plus précisément, ils maintiennent l’endroit où le mur de la galerie rencontre l’argile à une température de 80°C pendant dix ans. « Dix ans suffisent pour faire une évaluation fiable de l’effet sur l’argile », déclare Christophe Bruggeman. L’expérience a débuté en 2014 et elle en est aujourd’hui à plus de la moitié de son déroulement. « Nous avons équipé la galerie et l’argile environnante de dispositifs de mesure pour suivre de près l’expérience. À ce jour, nous enregistrons les mêmes résultats que nos expériences à petite échelle et à court terme. En d’autres termes, le projet confirme une nouvelle fois nos conclusions antérieures. »

Le SCK CEN comme boussole de la connaissance dans le processus de démantèlement

La coopération porte spécifiquement sur les déchets radioactifs, et le SCK CEN joue également un rôle clé dans le démantèlement imminent. Ce démantèlement offre des opportunités économiques pour l’industrie belge. C’est pourquoi le gouvernement fédéral a inclus le démantèlement dans son ambitieux plan de relance. Ce Plan national pour la Reprise et la Résilience (RRF) vise à relancer l’économie belge après qu’elle a ébranlée par la crise du COVID-19. Au total, elle met à disposition 5,9 milliards d’euros. 25 millions d’euros seront consacrés à la recherche et au développement dans le domaine du démantèlement durable. La quantité de déchets radioactifs est réduite au minimum de manière rentable.

L’objectif est que le SCK CEN agisse comme une boussole de la connaissance pour l’industrie belge. « Nous avons acquis une grande expérience du démantèlement. Nous connaissons les exigences actuelles de l’Agence fédérale de contrôle nucléaire en matière de libération des matières, ainsi que les défis liés à la gestion des déchets radioactifs. Grâce à ces connaissances, nous pouvons facilement accompagner les acteurs belges. Nous les aidons à améliorer leurs technologies et procédures existantes et à les préparer pour le marché », explique Nele Weyens, responsable du projet RRF au SCK CEN. Ces technologies couvrent plusieurs domaines : des techniques de décontamination permettant de réduire considérablement la quantité de déchets, aux techniques de caractérisation permettant de déterminer avec précision si les matériaux peuvent avoir une seconde vie. Elle comprend également des tests de sûreté approfondis pour garantir la stabilité et donc la récupérabilité des déchets, ainsi que des méthodes modernes de gestion des flux de déchets. « Pensez par exemple à l’intelligence artificielle ou à la visualisation 3D. Le SCK CEN investira dans de nouvelles installations pour valider les techniques et les innovations. »

Exportation des connaissances

Il est prévu que les acteurs belges puissent, par la suite, exporter leurs technologies de démantèlement. « Dans les dix à quinze prochaines années, de nombreux pays voudront commencer à démanteler leurs centrales. Seulement, à l’heure actuelle, il n’y a pas suffisamment de capacité pour démanteler toutes ces centrales nucléaires en même temps. Il y a donc de la place pour de nouveaux acteurs sur le marché. Cela crée des perspectives pour l’industrie belge qui souhaite se spécialiser dans le secteur nucléaire », conclut Nele Weyens.

Une grande expérience du démantèlement

Le SCK CEN dispose d’une solide expertise grâce au démantèlement de nombreuses centrales nucléaires, dont le réacteur à eau pressurisée BR3, le réacteur de recherche Thetis et l’ancienne usine de combustible MOX Belgonucléaire. Le démantèlement des cellules chaudes - un espace blindé et ventilé où les spécialistes peuvent manipuler des matériaux radioactifs à distance - a également fourni une grande expertise. En 2021, le centre de recherche a ajouté les cyclotrons à cette liste. Pour le compte de la société australienne Telix Pharmaceuticals Limited, le SCK CEN a démantelé deux cyclotrons dans l’installation de production radiopharmaceutique de Seneffe, en Belgique. Les deux cyclotrons ont été retirés en une seule pièce et transportés sur le site du SCK CEN à Mol pour un démantèlement plus poussé. Cette approche est unique, même au regard des normes internationales. Cela donne au client la possibilité de réutiliser l’espace immédiatement. Cela a ainsi permis de commencer la construction d’une nouvelle installation de production de pointe pour les radio-isotopes médicaux et les produits pharmaceutiques peu après le démantèlement.





Une recherche responsable

Dès le tout début, le SCK CEN a assumé son rôle sociétal en tant que centre d’expertise nucléaire. Lors du lancement des premières centrales nucléaires, nous avons cherché une solution pour la gestion sûre des déchets radioactifs à longue durée de vie. C’est ainsi qu’est né notre laboratoire souterrain HADES. Aujourd’hui, nous utilisons nos connaissances et notre expertise comme boussole pour la gestion sûre et efficace des déchets radioactifs, le démantèlement, l’énergie nucléaire durable, la recherche innovante sur les effets des rayonnements et pour lutter contre le cancer, dans le respect des personnes et de l’environnement. Une recherche responsable pour un monde durable.

Hildegarde Vandenhove
Environnement, Santé et Sûreté


 

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