Intégrer l'innovation
En 2006, la Flandre comptait 34 706 travailleurs à temps plein dans le domaine de la recherche et du développement (R&D). En 2018, ce nombre est passé à 53 933, soit une augmentation de 55 %. Recherche et innovation semblent donc avoir le vent en poupe en Flandre – et par extension en Belgique. Et très certainement au sein du SCK CEN, en atteste notamment le rapport annuel « Highlights 2019 » publié voici quelques mois par le centre de recherche. Reste à savoir néanmoins comment cette innovation poursuivie trouvera sa place dans la société. Entretien éclairant avec Pascal De Langhe, Directeur Business Development & Support du SCK CEN.
Les ingénieurs du SCK CEN ont construit le conteneur cible de ISOL@MYRRHA : une sorte de four qui peut monter à 2 400°C. Un « four » grâce auquel le SCK CEN produira à partir de 2027 des radio-isotopes pour des applications médicales et la recherche fondamentale. Les scientifiques ont également battu un record du monde à l'occasion d'un test de corrosion à grande échelle. Enfin, le centre de recherche a contribué au développement d'une technologie permettant de mesurer la dose de rayonnement sans dosimètre. Bref, le SCK CEN a porté la science vers de nouveaux sommets en 2019. Et maintenant ?
Pascal : « Une formidable année en effet. Nous avons beaucoup d'atouts en main pour créer un impact social avec tout ce potentiel. Pour cela, nous devons miser sur la collaboration. L'innovation doit trouver sa place sur le marché et/ou au sein des chaînes de production. À cet effet, nous devons absolument parvenir à synchroniser nos activités scientifiques avec la réalité du marché. Nous progressons sur ce point en engageant le dialogue avec des acteurs de terrain. »
Qui sont ces acteurs ?
Pascal : « La sélection est large et va du secteur de l'énergie au secteur médical en passant par l'industrie. Avec MEDOC, nous avons développé un formidable instrument qui peut aider les entreprises du secteur nucléaire dans le démantèlement de leurs installations. Côté pharmaceutique, nous nous intéressons tant aux petites entreprises qu'aux géants du secteur. L'important pour nous ici est de visualiser sur quels programmes de recherche ils se concentrent. Quelles sont les problématiques qu'ils entendent résoudre ? Où en sont-ils dans leur recherche ? Comment aligner nos propres axes de recherche sur les leurs ? Sur le plan du contenu bien sûr, mais aussi et surtout du timing. »
Pourquoi le timing est-il déterminant ?
Pascal : « Prenez l'étude sur le terbium-161. Le terbium-161 apparaît comme un des radio-isotopes de l'avenir, mais l'est-il vraiment » Le secteur pharmaceutique s'y intéresse actuellement de très près. En cas de résultats concluants, le nombre d'études augmentera. Et bien entendu, la disponibilité du terbium-161 ne peut pas venir casser l'élan de cette dynamique. C'est la raison pour laquelle nous devons, en tant que fournisseur certifié, anticiper en temps voulu. Avoir une idée précise de ce qui se trame chez nos partenaires est donc crucial. Quels sont les radio-isotopes dont ils ont besoin ? En quelles quantités ? À quel moment s'attendent-ils à une augmentation de la demande ? Il en va de même pour les tests des matériaux de structure : nous devons savoir où en sont les centres de recherche ou les partenaires industriels, pour déterminer à quel moment nous pouvons leur apporter notre aide. Fort de ses infrastructures et de son personnel qualifié, le SCK CEN est toujours disposé à explorer de nouvelles voies en compagnie et pour le compte de ses partenaires. »
Le programme du SCK CEN est donc défini par les partenaires externes ? Dans ce sens-là uniquement ?
Pascal : « Pas le moins du monde. Le SCK CEN est réputé pour sa capacité à réfléchir « autrement », à explorer l'inconnu sous sa casquette de pionnier. Notre recherche fondamentale a d'ores et déjà dévoilé une multitude de mécanismes sous-jacents. Autant d'informations ultra précieuses pour optimiser les produits et les méthodes, ou encore découvrir pourquoi l'effet recherché n'a pas été atteint. Bref, notre travail représente les fondations sur lesquelles nos partenaires viennent bâtir. »
Ces connaissances sont-elles donc accessibles au premier venu ?
Pascal : « En tant qu'institut de la connaissance, nous veillons naturellement à ce que le savoir accumulé demeure protégé, par exemple par le biais de brevets. Un tel mécanisme nous permet d'éviter la copie à tout-va. Le cas échéant, l'industrie se désintéresserait de la méthode ou de la technique développée et la société ne profiterait alors pas d'applications utiles, ce qui serait regrettable. La protection des droits de propriété intellectuelle est un pilier fondamental au sein du monde académique. »
Avez-vous déjà enregistré du concret en 2020 ?
Pascal : « Nous avons signé un nouveau partenariat public-public avec l'Institut national des radioéléments (IRE) afin de renforcer notre participation à la lutte contre le cancer. Ce partenariat porte notamment sur la production de lutétium-177. Il s'agit d'un radio-isotope fort prometteur pour le traitement du cancer de la prostate, qui tue 90 000 personnes en Europe chaque année. Et la production de Lu-177 ne sera qu'une première étape ! Nous allons franchir des caps importants dans d'autres domaines également, comme celui du démantèlement. Nous espérons pouvoir progresser sur ces plans avec nos partenaires. »
La première étape seulement, d'autres domaines... votre soif de valorisation est évidente. Comment maintenez-vous l'équilibre entre valorisation et dotations ?
Pascal : « Le SCK CEN ne poursuit qu'un seul objectif, à savoir développer des applications novatrices pour la société. Faire la plus grande différence possible avec l'un des éléments les plus minuscules au monde – l'atome. Exploiter la connaissance au profit de la société. Le projet NURA illustre bien mes propos. Nous disposons du savoir nécessaire et d'infrastructures uniques pour développer la prochaine génération de produits radiopharmaceutiques thérapeutiques. Et pour pouvoir mener à bien notre mission, nous devons collecter suffisamment de fonds. Valorisation ou dotation ? Pour moi, les deux se valent. »
Pour conclure : comment des partenaires intéressés peuvent-ils vous contacter ?
Pascal : « En remplissant le formulaire ci-dessous ! (rires) Nous vous contacterons alors au plus vite. Autrement, vous pouvez toujours nous approcher lors d'un salon (en ligne) ! »
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