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« Cure d’hypergravité » : guérir plus rapidement les blessures malgré le stress ?

02 mars '21

En septembre prochain, des « cellules cutanées blessées et stressées » feront une « cure d’hypergravité » dans la centrifugeuse de l’Agence spatiale européenne (ESA) à Noordwijk, aux Pays-Bas. Les chercheurs du SCK CEN et de l’UGent veulent savoir si l’hypergravité peut contrecarrer le ralentissement de la cicatrisation des blessures en raison du stress et de l’apesanteur. Cette expérience est rendue possible grâce au programme de l’ESA Spin Your Thesis!. Photo Large Diameter Centrifuge: ©ESA.

SCK CEN - Spin Your Thesis - ESA (2021)

Dans l’espace, les astronautes s’exposent à des conditions extrêmes : rayonnements cosmiques, apesanteur prolongée et isolement social. Ces facteurs sont des causes, entre autres, de stress. « Lorsque le corps est soumis à un état de stress, il sécrète de l’adrénaline et ensuite du cortisol. Un stress prolongé donne lieu à une exposition chronique à l’hormone du stress, le cortisol. Cette exposition chronique affaiblit le système immunitaire alors que la guérison des blessures dépend justement du bon fonctionnement du système immunitaire. Le stress freine donc la cicatrisation des blessures. Cette guérison est d’autant plus lente lorsque une situation d’apesanteur prolongée intervient », explique Eline Radstake, doctorante au SCK CEN et à l’UGent. Les scientifiques cherchent à savoir si « une cure d’hypergravité » pourrait changer la donne et contrecarrer le ralentissement de la cicatrisation des blessures.

La doctorante espère trouver une réponse à cette question au European Space Research and Technology Centre (ESTEC), le centre technique de l’Agence spatiale européenne (ESA). Le centre de recherche dispose du Large Diameter Centrifuge. Cette installation, de huit mètres de diamètre, effectue une rotation à très haute vitesse autour de son propre axe pour simuler une force gravitationnelle jusqu’à 20 g. En comparaison, une force de 1 g sur Terre nous empêche de flotter dans les airs. Dans l’espace, cette force tombe à 0.

Des cellules de la peau « blessées »

En septembre de cette année, des « cellules de la peau blessées et stressées » provenant du SCK CEN et de l’UGent seront secouées dans l’installation à une force de 15 à 20 g. Il s’agit concrètement de « fibroblastes dermiques humains normaux », des cellules du derme, la deuxième grosse couche de la peau. « Je préfère toutefois les appeler ‘les travailleurs en construction et recrutement’ de la peau », blague la doctorante. « Dès qu’une blessure se forme, les cellules migrent vers cette dernière et entament la reconstruction du tissu cutané. Elles en profitent pour recruter des cellules immunitaires afin de cicatriser plus rapidement la ‘plaie ouverte’. »

Afin que cette expérience soit un succès, les chercheurs doivent passer par plusieurs étapes. Tout d’abord, ils provoquent des blessures in vitro et leur administrent des hormones de stress. Ensuite, les « cellules cutanées blessées et stressées » tournoieront dans toutes les directions pendant deux heures dans une machine de positionnement aléatoire. L’objectif est d’éliminer l’effet de la gravité et de simuler un ralentissement de la guérison. « Ce n’est qu’après ces opérations que les cellules pourront embarquer dans la centrifugeuse, pour quelque six heures, après quoi elles seront de nouveau placées dans une machine de positionnement aléatoire. Lors d’un voyage dans l’espace, les astronautes se retrouveraient également dans un environnement d’apesanteur après une ‘cure d’hypergravité’. C’est cette situation que nous essayons de reproduire avec notre expérience », précise Eline Radstake.

Nous étudions non seulement la vitesse à laquelle les cellules récupèrent mais aussi quelles protéines ont joué un rôle important dans un processus de guérison efficace. Ces connaissances peuvent être appliquées sur Terre à des patients qui éprouvent des difficultés à guérir de leurs blessures.
Mieke Verslegers, radiobiologiste au SCK CEN
SCK CEN - Spin Your Thesis - ESA (2021)

Une utilité sur Terre

La doctorante est impatiente de faire l’expérience et d’obtenir les résultats qui en découleront. Mieke Verslegers, radiobiologiste au SCK CEN et mentor de la doctorante, est d’ores et déjà convaincue que l’étude sera utile sur Terre en cas de résultats prometteurs. « Nous étudions non seulement la vitesse à laquelle les cellules récupèrent mais aussi quelles protéines ont joué un rôle important dans un processus de guérison efficace. Ces connaissances peuvent être appliquées sur Terre à des patients qui éprouvent des difficultés à guérir de leurs blessures. »

Spin Your Thesis ! : Un programme de l’ESA

Cette étude est rendue possible grâce au programme Spin Your Thesis ! de l’ESA. Le programme offre la possibilité aux étudiants d’universités de réaliser des recherches scientifiques ou technologiques avec l’hypergravité (<1 g) dans plusieurs domaines de recherche tels que la biologie, la biochimie, la microbiologie, l’optique physique, la science des matériaux, la dynamique des fluides, la géologie et la physique des plasmas. La doctorante Eline Radstake a dû soumettre une proposition de projet avec Silvana Ferreira da Silva Miranda, sa collègue doctorante au SCK CEN à l’UGent, et Cynthia Van Rompay, étudiante de Master à l’UAntwerpen. Son projet, dénommé FORTE, était parmi les trois sélectionnés.

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